Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/79

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camarades d’école, marié depuis peu avec une femme à jolie dot. Ce fut encore un refus à essuyer. Alors il ouvrit les yeux, comprit l’inutilité de ses tentatives ; ne possédant rien qui pût répondre de sa dette, on l’éconduisait poliment et avec des excuses et des regrets mensongers. Et Coste s’aigrissait, d’heure en heure, à réfléchir ainsi : l’avarice de sa mère, la dureté ou l’indifférence de ses amis, l’hostilité sourde ou le dédain qu’il devinait autour de lui à Maleval, tout cela tuait peu à peu ses bons sentiments. Chacun ici-bas ne songe qu’à soi, pensait-il ; et son amertume se changeait en révolte contre la destinée et contre les hommes.

Or, un jour, en jetant distraitement les yeux sur les annonces d’un journal, il tressaillit, hypnotisé par ces mots en petites capitales :

PRÊTS SUR SIGNATURE

puis cette explication :

discrétion, intérêt légal. À long terme : on accorde plusieurs années ou on accepte le remboursement par mensualités, au choix. Écrire : M. X…, numéro… rue …, à Paris. Timbre pour réponse. On traite de préférence avec MM. les officiers et fonctionnaires.

Coste avait plusieurs fois entendu dire, par des collègues besoigneux, que les banquiers et hommes d’affaires consentent volontiers à avancer des fonds aux fonctionnaires, dont le traitement est pour eux une sûre garantie. C’est pourquoi il s’imagina qu’il n’avait qu’à écrire pour recevoir sur-le-champ la somme d’argent dont il avait besoin. Ce projet fut communiqué à Louise qui l’approuva.

Le soir même, une lettre partait pour Paris. Coste demandait un prêt de cinq cents francs pour deux ans et se recommandait de sa qualité d’instituteur.

Les leçons de la vie n’avaient pas encore flétri en son cœur