Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/88

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timide, elle aimait trop son isolement et son quant-à-soi pour se formaliser de la rareté de ces rapports stricts et, au fond, elle en était ravie. Dès qu'elle se retrouvait dans son intérieur, soit à bavarder, d'une voix fluette et mignarde, auprès de ses bêtes chéries, à qui elle s'adressait comme on s'adresse à de petits enfants, soit, le soir, quand sonne l'angélus, à prier longuement en mémoire de ses parents, morts depuis bien des années, mademoiselle Bonniol ne rêvait rien de meilleur que cette vie monotone, effacée, sans grandes joies, mais aussi sans heurts et sans chagrins.

Parfois, en bonne collègue et par amabilité, si elle rencontrait Rose et Paul jouant dans le vestibule, elle les emmenait chez elle et alors les caressait et les bourrait de confitures, de gâteaux et de bonbons, dont elle et ses bêtes étaient très friandes. C'étaient de beaux jours pour Rose et Paul peu habitués à ces douceurs. Pourtant, la turbulence des deux enfants ne lui plaisait qu'à demi, non que leur présence lui fût jamais importune ou insupportable, mais parce qu'elle adorait avant tout sa tranquillité égoïste. Après qu'elle avait passé sa journée entière au milieu de ses élèves, fillettes bavardes et remuantes, l'institutrice avait soif de calme et elle éprouvait un charme puéril, toujours renouvelé, à regagner son étroit logis.

C'est pourquoi, tout en s'attachant de part et d'autre à vivre en bons termes, ni Coste, ni mademoiselle Bonniol ne faisaient rien pour resserrer leurs rapports et encore moins pour les multiplier et les rendre intimes.

L'instituteur et l'institutrice se croisaient-ils dans le vestibule? D'ordinaire, ils échangeaient quelques mots aimables ou banals, s'arrêtaient parfois à causer de leurs élèves ou des choses de leur métier. Cela arrivait assez souvent, le soir, à l'heure de la sortie de classe. Mais depuis quelques mois, on se contentait la plupart du temps de se saluer amicalement et c'était tout.