Aller au contenu

Page:Lavignac - Les Gaietés du Conservatoire.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

considérablement encrassées ; si bien qu’à présent elles sont à peu près uniformément grises, et qu’il faut une certaine attention, surtout par les temps sombres, pour les distinguer les unes des autres. De là, d’abord l’erreur bien excusable, puis, l’émoi du bon et consciencieux juré.

Si j’avais l’honneur d’être journaliste, j’entreprendrais une grrrrande campagne à ce sujet : je démontrerais que c’est à cette confusion des boules qu’il faut attribuer tous les jugements saugrenus qui ne sont pas d’accord avec les miens (seuls justes et équitables, nécessairement) et je réclamerais que les boules soient savonnées publiquement avant chaque concours.


Un jour, Auber, alors directeur, faisait visiter le Conservatoire à un ministre, un ministre de son temps, bien entendu, un ministre de l’Empire.

Arrivés tous deux au beau milieu de la cour, de cette triste cour rectangulaire que vous connaissez tous comme moi (quoique depuis moins longtemps), ils s’étaient arrêtés là, et s’efforçaient en vain d’y découvrir de belles lignes architecturales. Effectivement, il n’y a rien de plus maussade et de plus bête que cette pauvre vieille cour que nous aimons pourtant tous, et qui était alors, à bien peu de chose près, telle que nous la voyons aujourd’hui. Des fenêtres fermées s’échappait par les fissures, tout comme à présent, un vague et indescriptible gazouillis formé du sifflement des flûtes, du nasillement des hautbois, des couacs des clarinettes, des pétarades des bassons, du grincement des violons, du grognement des violoncelles, des ronflements des contrebasses, des doux roucoulements des chanteuses,… enfin ce bruissement troublant si caractéristique, si particulier à notre chère vieille cour qu’on ne l’entend nulle part ailleurs, et qui fait qu’on s’y attache cordialement, sans trop savoir pourquoi.