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HISTOIRE DE LA MUSIQUE.

avait fait interdire l’entrée de son palais à tout prêtre qui ne savait point lire ou qui ignorait la musique.

On raconte à ce sujet force anecdotes ; tantôt il demandait deux chantres au pape, celui-ci les envoyait, puis les deux ambassadeurs musicaux s’amusaient malicieusement à enseigner chacun une méthode différente, par jalousie des Francs, paraît-il. Devant un pareil désarroi, on juge de la colère de l’irascible empereur. Une autre fois, c’était Charles lui-même qui emmenait ses chantres avec lui à Rome ; à peine étaient-ils arrivés que les Romains se moquaient d’eux et de leurs voix de taureaux ; plainte à l’empereur, qui ordonnait que ses musiciens eussent à apprendre leur métier auprès des chantres pontificaux, par la raison « que l’eau étant plus pure à sa source que dans les ruisseaux qui coulent loin d’elle, c’était en Gaule et non à Rome que le chant romain s’était le plus corrompu ». Suivant une autre chronique, il envoyait deux de ses clercs musiciens étudier leur art dans la ville des papes. Lorsque ses deux émissaires furent de retour, il en garda un près de lui, confiant à l’autre le soin de créer une école à Metz.

Tous les moyens lui étaient bons pour réussir dans ses projets de réforme et son autorité n’était pas toujours des plus douces. Outre qu’il voulait assister trois fois par jour aux offices en musique et exigeait de ses chantres une assiduité fatigante, il avait quelquefois de singuliers procédés. Un jour il entend le chant des chapelains d’une ambassade byzantine ; émerveillé par cette musique inconnue, il ordonne à ses musiciens de l’exécuter devant lui ; ceux-ci, qui n’en peuvent mais,