Drumont, l’autre jour, et sans avoir l’air de rien, a indiqué cette mission en quelques lignes contenues dans un article sur le couronnement du tsar, et qui ont failli m’échapper, ce que j’eusse regretté. Reproduisons-les :
« La mission de l’antisémitisme, au fond, c’est de refaire un cerveau neuf, une mentalité nouvelle aux Français, de les faire rentrer dans la réalité, de leur enseigner ce qu’ils valent, de leur apprendre à surmonter ces humilités ridicules contrastant avec des déclamations emphatiques et grotesques, ces superstitions, ces adorations d’hommes et de choses qui nous sont tout à fait inférieurs. »
Qu’est-ce que M. Drumont entend par un cerveau neuf et une mentalité nouvelle ? Sur ce sujet, on peut trouver une réponse dans ses livres et dans ses articles, et je suis tout disposé à reconnaître en ce point leur utilité. La seule chose un peu nette et claire, en effet, dans les gros bouquins, indigestes et confus, du propagateur de l’antisémitisme, — qui est décidément meilleur journaliste que moraliste, philosophe, historien ou sociologue, — c’est un amour puéril et touchant pour l’ancienne France. L’histoire, pour M. Drumont et pour le père Loriquet, a suivi son cours normal jusqu’en 1789. À cette date, le ciel a permis que le vieil édifice de la monarchie s’écroulât, et en même temps il a frappé la France de démence.
Pendant quelques années, Satan a régné sur la terre des lys. M. Drumont est exactement renseigné là-dessus. Il a consciencieusement démarqué l’abbé Barruel, Dom Deschamps et Crétineau-Joly. Il ne les cite pas toujours, mais le souffle de ces maîtres court dans son œuvre. Là encore je me garderai de dire que M. Drumont a inventé cette théorie, il l’a adoptée. Pour lui comme tous ceux dont je viens de parler, la France, perturbée par une influence diabolique, a perdu il y a plus de cent ans son équilibre ; elle cherche vainement à le reconquérir depuis, de là des secousses, des révolutions. Quand