Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/216

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rence. Sur la porte était scellée une table de marbre noir portant cette inscription :

Dieu tient le cœur des rois en ses mains de clémence,
Soit chrétien, soit payen, leur pouvoir vient d’en haut,
Et nul mortel ne peut (c’est un faire le faut)
Dispenser leurs sujets du joug d’obéissance.

D’après une tradition populaire, cette maison avait été bâtie par un architecte de Henri IV. — Une décision ministérielle du 15 messidor an XII, signée Chaptal, a fixé à 7 m. la largeur de la rue des Vieilles-Étuves. Les maisons du côté des numéros impairs sont soumises à un retranchement qui varie de 1 m. 70 c. à 2 m. 80 c. Celles du côté opposé devront reculer de 90 c. à 2 m. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Lacarrière).


Europe (place d’).

Située à la jonction des rues de Berlin, de Constantinople, de Londres, de Madrid, de Rome, de Saint-Pétersbourg et de Vienne. Pas de numéro. — 1er arrondissement, quartier du Roule.

La formation de cette place, sur les terrains de MM. Jonas Hagerman et Sylvain Mignon, a été autorisée par une ordonnance royale du 2 février 1826. Elle est octogone et a 130 m. de diamètre. On lui a donné la dénomination de place d’Europe, parce que plusieurs rues portant les noms des capitales de cette partie du monde viennent y aboutir. Parmi les conditions imposées par l’ordonnance royale, il en est une qui oblige MM. Hagerman et Mignon à établir sur le terrain réservé au milieu de la place un jardin entouré de grilles, dont lesdits entrepreneurs conserveront la propriété, si mieux n’aime le conseil municipal de la ville de Paris se faire concéder ledit terrain, en se chargeant de la dépense d’établissement et d’entretien. Dans le premier cas il est entendu que les entrepreneurs ne pourront jamais changer la destination dudit jardin. Cette condition n’est pas encore exécutée ; l’espace réservé pour le jardin est entouré par un mur de clôture. (Voyez Amsterdam, rue d’.)


Eustache (église paroissiale de Saint-).

Située dans les rues Traînée et du Jour. — 3e arrondissement, quartier Saint-Eustache.

Plus les âges qui ont élevé nos églises ont eu de piété, plus ces monuments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère. On a beau construire aujourd’hui des temples grecs, superbes au dehors, bien dorés au dedans, le peuple préférera toujours ces basiliques moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères.

En pénétrant dans cette sombre et vaste église dont nous allons tracer l’histoire, on éprouve une sorte de frémissement, un sentiment vague de la Divinité.

Au commencement du XIIIe siècle, s’élevait en cet endroit une petite chapelle dédiée à Sainte-Agnès. En février 1214, une sentence arbitrale rendue par l’abbé de Sainte-Geneviève et le doyen de Chartres, la qualifie de chapelle neuve de Sainte-Agnès. Elle était alors sous la dépendance des chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois. Dès 1223 cette chapelle était remplacée par une église sous le vocable de Saint-Eustache, « apparemment (dit Jaillot) à l’occasion de quelques reliques de Saint-Eustache qu’elle obtint de l’abbaye de Saint-Denis, où le corps du martyr avait été déposé.»

Vers cette époque, le prêtre qui desservait cette chapelle, voulut prendre le titre de curé. Cette qualité lui fut vivement contestée par le doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois. Alors les prérogatives dont jouissait l’église Saint-Eustache, disparurent une à une, et son état de sujétion donna naissance à ce proverbe longtemps en usage « Il faut être fou pour être curé de Saint-Eustache. »

Dans cette église fut jouée une des scènes de la fameuse croisade des Pastoureaux. Cet étonnant épisode de l’histoire du moyen-âge mérite d’être ici raconté. On appelait Pastoureaux les hommes possédés d’un enthousiasme fanatique ; les gens simples de la campagne, les petits cultivateurs et surtout les bergers éprouvèrent les effets de cette contagion. Louis IX avait quitté son royaume pour aller conquérir la Palestine, la France était alors dégarnie de troupes. L’association de ces paysans fut la suite des exhortations d’un moine appelé Jacob, échappé des cloîtres de Cîteaux. Le visage décharné de cet homme paraissait inspiré, son éloquence mâle et sauvage lui gagna la multitude. « Je suis l’homme de Dieu, disait-il, je suis le maître de Hongrie ; j’ai vu les anges, la Vierge Marie, ils m’ont ordonné de prêcher une croisade ! Je ne veux pas de gentilshommes : Dieu méprise leur orgueil ! Aux pauvres et aux petits est réservé l’honneur de délivrer le roi et les Lieux-Saints. » Ce nouveau prophète, environné de disciples, traina bientôt à sa suite plus de cent mille hommes. Il leur distribua des drapeaux chargés de devises, leur donna des chefs, tous exaltés comme lui. Jacob alla prêcher à Orléans. Un clerc ayant eu la hardiesse de vouloir réfuter le maître de Hongrie, un des satellites du moine fendit d’un coup de hache la tête de l’imprudent. La régente toléra d’abord le rassemblement de ces nouveaux croisés, elle espérait en tirer de prompts secours pour son fils. Mais les disciples de ce moine se donnèrent bientôt comme lui la licence d’exercer, quoique laïcs, des fonctions sacerdotales. Ils confessèrent, dépéçairent les mariages, et accommodèrent la morale chrétienne à leurs idées et à leurs intérêts. Jacob, à la tête de sa troupe, vint à Paris, puis se rendit dans l’église Saint-Eustache ; là, il fit poignarder plusieurs prêtres et chasser ceux qu’il ne craignait pas. Certain alors de trouver dans la multitude une obéissance aveugle, son langage devint plus terrible. « Votre riche clergé, disait-il, est semblable à une brebis galeuse. Vos prêtres, ces papelards qui ne sont bons qu’à boire du vin de Pierrefitte, com-