Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si les circonstances qu’elle relate sont vraisemblables ; une chose certaine, c’est que le bordereau accusateur a toujours été présenté comme venant, par une voie inconnue, de l’ambassade d’Allemagne. Je ne ferai pas non plus ressortir les contradictions qui existent sur certain point entre l’article de l’Éclair et celui du Journal. Je veux relever deux détails importants. Le document, dit M. Monville, se compose de seize fragments et il est écrit sur papier bulle. Ce n’est pas exact, et cependant il est vrai que la lettre incriminée n’est pas arrivée intacte au ministère, et elle n’est pas écrite sur papier ordinaire.


DESCRIPTION DU BORDEREAU

Décrivons le bordereau. Il se compose d’une feuille déchirée en quatre morceaux et non en seize, et soigneusement recollée, l’aspect d’une lettre négligemment jetée dont on aurait ramassé les lambeaux et qu’on aurait reconstituée. Quelle était la nature du papier sur lequel cette lettre avait été écrite ? C’était du papier à photographie d’un caractère particulier, dont on n’a pas trouvé de spécimen au domicile du capitaine Dreyfus, qui, d’ailleurs, n’a jamais fait de photographie. Les fournisseurs de ce papier spécial sont peu nombreux ; une enquête et des recherches habiles auraient pu donner des indications précises. Ni enquête ni recherches n’ont été ordonnées.

Quel était le texte de ce bordereau ? Voici celui que donne l’Éclair. Il commençait, dit-il, par les mots : « Je pars… » et annonçait l’envoi de cinq documents. Ces cinq documents se composaient :

De la description détaillée du frein de la pièce de 120 court qui n’était pas encore en service ;

Du projet de manuel de tir de l’artillerie ;

Du projet de manuel de tir de l’infanterie ;

Des mesures arrêtées pour la mobilisation de l’artillerie à la suite de la loi du 29 juin 1894, supprimant les pontonniers et créant vingt-huit nouvelles batteries ;

Du plan d’opération pour l’expédition de Madagascar établi par le général Renouard, premier sous-chef d’état-major de l’armée.

Telle qu’elle est produite par l’ « Éclair », cette pièce est fausse, mais celui qui l’a communiquée connaissait la pièce véritable, et il l’a sciemment falsifiée, sans doute pour pouvoir un jour se mettre hors cause. C’est là-dessus que je dois insister : L’auteur de l’article, ou tout ou moins celui qui a fourni les éléments dont il est composé, connaît à fond l’affaire Dreyfus et il est intéressé à convaincre l’opinion, par tous les moyens, de la culpabilité du capitaine.

Voici maintenant intégralement le texte de la lettre saisie :


TEXTE DU BORDEREAU

Sans nouvelles m’indiquant que vous désirez me voir, je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants.