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Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/23

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commandant Jeannel interrogé confirma les dires du capitaine Dreyfus. Où en est la preuve ? Dans l’absence absolue au dossier de l’interrogatoire du.commandant Jeannel, qu’on ne fit pas intervenir au procès, chose qu’on n’aurait pas manqué de faire, s’il avait apporté une charge nouvelle contre le capitaine Dreyfus.

D’ailleurs, il n’est pas question dans la lettre incriminée d’une note sur le manuel de tir de campagne, mais de ce manuel lui-même qui aurait été livré.

Or, nous savons, et l’accusation ne l’a pas contesté, qu’un nombre déterminé de ces manuels avait été envoyé dans les corps d’armée et que les corps d’armée en étaient responsables ; nous savons que chaque officier, à qui on en confiait un, devait le rendre après les manœuvres. Par conséquent on savait exactement, au ministère de la guerre, à quels officiers ces manuels avaient été remis, on pouvait savoir si un d’entre eux avait prêté le sien, non pas un instant, mais, chose plus facile à constater, pendant plusieurs jours. On a fait une enquête très longue, très minutieuse, et on a pu constater non seulement qu’aucun officier n’avait prêté ce manuel de tir au capitaine Dreyfus, mais même que jamais le capitaine Dreyfus n’avait cherché à l’emprunter.

Je suis au terme de mon analyse. Je viens de démontrer, irréfutablement, par l’examen de l’acte d’accusation, qu’aucune charge ne s’élevait contre le capitaine Dreyfus, que les enquêtes, l’instruction n’avaient apporté aucune preuve ; j’ai même fait voir l’absolue mauvaise foi et sur un point particulier le mensonge de l’acte d’accusation. Nul ne peut contester que l’unique charge, c’est l’existence du document même.


INVRAISEMBLANCE DU BORDEREAU

Mais ce document lui-même est-il vraisemblable ? Non. Voit-on d’abord la nécessité pour celui qui aurait trahi de faire accompagner son envoi d’un bordereau commercial inutile et compromettant ?

Le document est invraisemblable, parce que, en admettant la confection d’une semblable lettre par un coupable aussi sot, aussi naïf, on ne peut expliquer l’emploi de sa propre écriture. Comment ! l’accusation et le rapport de M. Bertillon accepté par elle, nous représentent le capitaine Dreyfus se livrant, pour dissimuler son écriture, pour faire croire en cas de découverte à un faux, au travail étrange de décalque dont nous avons parlé, écrivant sa communication sur un papier spécial, papier photographique qu’il n’a jamais eu, et se serait procuré pour cette unique circonstance ; elle nous le montre introduisant dans sa calligraphie les modifications les plus puériles, et cet homme, qu’elle nous donne pour le plus endurci des criminels, le plus intelligent et le plus avisé aussi, n’a pas songé à se servir,