Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/25

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Il en était arrivé à irriter ceux-ci, au point qu’à son approche on cachait les dossiers : « Ah çà, est-que ça le regarde ? disait-on. Qu’est-ce que Dreyfus a besoin de venir fouiner par ici ? » C’est qu’il avait besoin de se tenir au courant des incessantes modifications qui sont apportées au travail de mobilisation de la dernière heure. Car c’était ça qu’il vendait. Par lui, l’Allemagne a connu les forces exactes dont on disposerait aux premiers jours d’une guerre et comment on les disposerait. Elle a eu par lui l’horaire des troupes. En sorte que nous croyant forts en plaçant par exemple 5.000 hommes sur tel point déterminé, l’adversaire nous écrasait en portant contre ce point une armée numériquement double.

Il a si peu vendu une partie des secrets de la mobilisation, il est si innocent de tout ce qu’on lui impute, que tout le travail a été refait et que l’on peut dire que le crime de Dreyfus a coûté à la patrie à cette heure des millions — vous entendez bien, des millions ! On a refait les plans, refait les horaires et refait des travaux de défense. On travaille encore à réparer les désastres que ce misérable a essayé de causer à ce qui était sa patrie. »

Eh bien ! tout cela est faux, c’est un tissu d’allégations inexactes, un ensemble d’affirmations mensongères auxquelles nous avons opposé des faits que nous allons maintenant résumer.


RÉSUMÉ DES FAITS

Le capitaine Dreyfus a été arrêté à la suite de deux expertises contradictoires. Pendant quinze jours on l’a laissé ignorer ce dont on l’accusait.

L’instruction a été conduite de la façon la plus arbitraire par le commandant du Paty de Clam, elle a été continuée par les soins de M. Besson d’Ormescheville. Elle n’a abouti qu’à une chose : Montrer l’inanité absolue des racontars faits sur le capitaine Dreyfus, et le mensonge des rapports policiers que des témoins ont démenti et que l’accusation n’a pas osé retenir.

La base de l’accusation reste donc une feuille de papier pelure, ou plutôt de papier photographique spécial, sorte de bordereau d’envoi, de style et d’orthographe bizarres, déchirée en quatre morceaux et soigneusement recollée.

D’où venait cette pièce ? D’après le rapport de M. Besson d’Ormescheville, le général Gonse, en la remettant à l’officier de police judiciaire, M. du Paty de Clam, déclara qu’elle avait été adressée à une puissance étrangère, qu’elle lui était parvenue, mais que, d’après les ordres formels du ministre de la guerre, il ne pouvait indiquer par quels moyens ce document était tombé en sa possession.

L’accusation ne sait donc pas comment ce document non daté, non signé, est parti des mains de l’inculpé. La défense ignore par quelles voies il est revenu de l’ambassade qui le possédait. A qui la lettre était-elle adressée ? Qui l’a volée ou livrée ? A toutes ces questions pas de réponse.

A-t-on trouvé, pendant les deux mois d’enquête, que le capitaine Dreyfus ait eu des relations suspectes ? Non. Cependant, l’étrange missive dit : « Sans nouvelles m’indiquant que vous désirez me voir. » Il voyait donc le correspondant mystérieux ?