Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On a scruté sa vie, suivi tous ses pas, examiné toutes ses actions, on n’a pu citer aucune fréquentation compromettante. Les perquisitions faites à son domicile n’ont donné aucun résultat. On a fouillé sa correspondance, M. du Paty a exigé de Mme Dreyfus les lettres que durant ses fiançailles elle avait reçues du capitaine. Cet examen n’a rien apporté à l’accusation. Jamais elle n’a pu produire un fait, alléguer une charge pouvant faire supposer que le capitaine Dreyfus ait eu des relations quelconques avec un agent étranger, même pour le service de l’état-major.

Les dépositions des témoins cités à l’audience n’ont aucune importance, elles ne contiennent que des appréciations personnelles sur le caractère du capitaine Dreyfus ; les uns disent qu’il est bavard et vantard, les autres le représentent comme renfermé et orgueilleux. Donne-t-on un mobile à un acte aussi odieux ? Quelles raisons ont pu pousser le capitaine Dreyfus à commettre la trahison dont on l’accuse ? L’accusation se tait là-dessus.

Était-il besogneux ? Non, il était riche. Avait-il des passions et des vices à satisfaire ? Aucun. Était-il avare ? Non, il vivait largement et n’a pas augmenté sa fortune. Est-ce un malade, un impulsif susceptible d’agir sans raison ? Non, c’est un calme, un pondéré, un être de courage et d’énergie. Quels puissants motifs cet heureux avait-il pour risquer tout ce bonheur ? Aucun.

A cet homme que rien ne pousse au mal, que rien n’accuse, que l’enquête établit probe, travailleur, de vie régulière et honnête ; à cet homme on montre un papier mystérieux, louche, de provenance obscure. On lui dit : « C’est toi qui as écrit ceci. Trois experts, dont un est désormais suspect, l’attestent et deux le nient. » Cet homme, s’appuyant sur sa vie passée, affirme qu’il n’a pas commis pareil acte, il proteste de son innocence ; on reconnaît l’honorabilité de son existence et, sur le témoignage contradictoire de ces experts en écriture, on le condamne à la déportation perpétuelle !


LA COMMUNICATION SECRÈTE

Cela n’eût pas suffi, en effet. Aussi, mis en présence de ces seules charges, le Conseil de guerre penchait vers l’acquittement. C’est alors que le général Mercier, malgré les promesses formelles faites au ministre des affaires étrangères, se décida à communiquer en secret — « hors la présence même de l’avocat » — aux juges du Conseil de guerre, dans la chambre des délibérations, la pièce, suprême accusation, qu’il avait jusqu’à ce moment gardée. Quelle était cette pièce si grave quelle n’eût pas dû être connue hors du huis-clos, si importante, que seuls l’ont vue le ministre, l’agent chargé de la comédie de perquisition qui la mit entre les mains de l’accusation, les officiers qui siégeaient, et un nombre si restreint de personnes qu’il serait facile de savoir, en procédant par élimination, qui l’a donnée à l’Éclair. Mais je ne veux pas insister là-dessus. Que dit l’Éclair :