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Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/6

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apportée par le capitaine Hunter, du vaisseau Le Non-Pareil, venant de l’îlot du Connétable, à 40 milles de Cayenne. Ce journal donnait sur l’évasion des détails qui furent reproduits par le Daily Chronicle et ensuite par toute la presse française. Comment ce bruit, faux du reste, prit-il naissance, de quelle source émana-t-il, pourquoi, alors que des bruits analogues, périodiquement répandus depuis la condamnation du capitaine Dreyfus, n’avaient pas eu d’écho, pourquoi cette fois l’émotion fut-elle si considérable ? Ce sont des questions auxquelles il est impossible de donner une réponse et, d’ailleurs, elles ne sont pas d’une grande importance. Quoi qu’il en soit, selon l’expression de M. Gaston Calmette[1], « l’actualité reprit, à ce moment, ce malheureux que l’on croyait à jamais oublié, disparu, perdu et, depuis que le bruit de son évasion a couru, on s’est de nouveau préoccupé, dans le public, des menus détails de sa mystérieuse détention. »

On ne se préoccupa pas seulement de sa détention, on remonta aux origines du procès et, comme à cette époque les mêmes timides doutes s’élevèrent, ce fut comme une faible rumeur perceptible à peine, mais cette rumeur voulait dire : « Si cet homme était innocent ? »

Les journaux les plus divers exprimaient cette inquiétude. Le Jour commençait une enquête sur les faits ayant amené l’arrestation du capitaine Dreyfus et se donnait pour but d’établir que « la culpabilité du condamné n’était pas démontrée ». M. de Cassagnac, dans l’Autorité du 14 septembre, écrivait : « Comme la plupart de nos concitoyens, nous croyons Dreyfus coupable. Mais, comme notre confrère (le Jour), nous n’en sommes pas certain. »

Il fallait répondre à ces assertions. Le journal L’Éclair s’en chargea. Son récit[2], si nous y ajoutons un article du Journal paru le 16 septembre sous la signature Monville, réunit tous les racontars qui coururent autrefois, mais il contient en outre des parcelles de vérité et deux documents volontairement falsifiés qui ne peuvent avoir été communiqués que par quelqu’un mêlé de très près à l’affaire et puissamment intéressé à établir que le capitaine Dreyfus a été condamné sur les charges les plus accablantes. Je nie que ces charges aient existé. Pour justifier ma négation, je vais suivre d’abord, en les discutant, les informations de L’Éclair et celles du Journal. Mais d’abord il me faut écarter deux assertions.

Dans son article du 8 septembre sur la Captivité de Dreyfus, M. Gaston Calmette écrivait ceci :

« Il (le capitaine Dreyfus) déclare qu’il a voulu, par un acte mal calculé, qui n’a été selon lui qu’une imprudence, donner un semblant de confiance au gouvernement étranger dont il dévoilerait ensuite les secrets à notre profit… Tel est le résumé de ses correspondances continuelles. »

  1. La Captivité de Dreyfus (Figaro du 8 septembre 1896).
  2. 14 et 15 septembre 1896.