Page:Lazare - Une erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus, Veuve Monnom, 1896.djvu/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans son numéro du 14 septembre L’Éclair déclarait : Seul à seul, avec un officier des bureaux, dans un premier moment d’égarement, il a avoué, puis s’est reconquis. Et cet aveu sans tiers est un témoignage insuffisant. Mais celui qui a reçu l’aveu est un homme loyal, à toute épreuve et sa parole n’est mise en doute par aucun de ses camarades. »

J’oppose à ces affirmations le démenti le plus formel.

1o  Jamais, ni dans ses conversations, ni à l’instruction, ni à l’audience, ni dans ses correspondances, le capitaine n’a dit qu’il avait voulu, « par un acte mal calculé », donner confiance à un gouvernement étranger, dont il aurait ensuite dérobé les secrets ;

2o  Jamais le capitaine Dreyfus n’a avoué. Jamais, d’ailleurs, depuis la minute où il a été arrêté, il ne s’est trouvé « seul à seul avec un officier des bureaux ». Cet « homme loyal, à toute épreuve », dont la « parole n’est mise en doute par aucun de ses camarades », n’existe pas, et si quelqu’un atteste qu’il a reçu l’aveu du capitaine Dreyfus, celui-là ment.


LE RÉCIT DE L’« ÉCLAIR »

« Dans les premiers jours de l’année 1894, dit « l’Éclair », on constatait au ministère de la guerre qu’il y avait une fuite dans les bureaux de l’état-major de l’armée, c’est-à-dire que des renseignements relatifs à certaines dispositions prises en vue du temps de guerre étaient transmises à une puissance étrangère.

Il est exact, en effet, qu’une fuite a été constatée au ministère de la guerre dans les premiers jours de 1894, et nous en avons la confirmation par la déposition du commandant Henry devant le Conseil de guerre. Comment savait-on, suivant l’expression du commandant Henry, qu’on trahissait au ministère de la guerre ?

Pour répondre à cette question il faudrait donner des détails sur l’organisation de l’espionnage, mais ce n’est pas le lieu ni le moment. Ce qu’il faut dire, c’est que cette constatation n’était pas à ce point anormale qu’elle dût effrayer les bureaux ni l’état-major. Pourquoi acquit-elle une telle importance ? Parce que, — nous suivons toujours la déposition du commandant Henry, — une personne honorable avait affirmé que la trahison était due à un officier. Quelle était cette personne honorable ? La défense le demanda en vain au cours du procès ; on ne voulut pas la faire comparaître, le commandant Henry refusa de la nommer, se bornant à affirmer son honorabilité, ajoutant : « Le képi d’un militaire auquel on a confié un secret, doit ignorer ce qu’il y a dans sa tête. »

Mais reprenons la version de l’Éclair :

« A la suite de ces constatations, dit-il, des recherches furent faites dans les bureaux pour découvrir l’auteur de ces communications, qui constituaient le crime de haute trahison, mais elles ne donnèrent aucun résultat tout d’abord. On n’allait pas tarder cependant à mettre ta main Sur un document d’une importance exceptionnelle — puisque ce fut le document qui emporta à l’unanimité, plus tard, la décision implacable des juges. »