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FONTAINE VS. BOISVERT

Le père Moïse achevait de battre une airée, et le fléau tombait plus lentement, et un peu fatigué sur les épis étendus comme un tapis tissé d’or, à double rang, tout le long de la « batterie. » Il ne vit pas arriver Joseph, et tout obsédé par son travail et le bruissement des épis mûrs qui s’égrenaient, il ne l’entendit pas, non plus.

— Reposez-vous donc un peu, dit Joseph.

Et il parlait haut afin d’attirer son attention. Le fléau resta sur les gerbes défaites et le batteur de grain se retourna :

— Tiens ! c’est toi, Joseph ! Viens-tu m’aider à battre ? fit-il en riant.

Avez-vous commencé à « battre » vous autres ?

— Pas encore, nous attendons le moulin.

— J’aime mieux le fléau, moi ; ça va moins vite, mais on égrène les épis tant bien que l’on veut. Il n’y a qu’à frapper. Puis la paille est bien plus belle.

— Mais le temps qu’on y met pourrait être mieux employé autrement, peut-être.