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Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/547

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PATRIOTISME

L’image sanglante de la bataille passait devant les regards de la jeune fille. Elle voyait le fer meurtrier s’enfoncer dans la poitrine des patriotes, et les rangs décimés s’affaisser tour à tour comme les blés mûrs sous la faux. Elle entendait les clameurs de l’airain, les piaffements des chevaux, les appels des blessés, les alléluias de la victoire. La poussière ouvrait son voile gris sur les chemins où serpentait l’armée. Des champs dévastés la fumée s’élevait comme un encens maudit vers le ciel implacable. Le Seigneur serait sourd à la prière des persécutés, il resterait insensible à la souffrance de son peuple. L’expiation n’était pas encore finie, ou bien la félicité n’était pas encore méritée.

Elle sentait son âme s’envoler dans une région nouvelle. Elle était emportée par un souffle ardent qui n’était plus la flamme énervante et douce des sens, mais un étrange élan vers l’idéal. L’amour de la patrie souffrante lui paraissait divin comme l’amour du ciel. La folie des sa-