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Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/91

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ÉVANGÉLINE

Ils admirent pourtant l’existence tranquille
Que passe à l’étranger leur vieil ami Basile ;
Ils écoutent longtemps, avec avidité,
Le récit qu’il leur fait de la fécondité
De ces prés sans confins dont la grasse verdure
Nourrit mille troupeaux errant à l’aventure.
Et quand l’ombre du soir obscurcit l’horizon
Ils revinrent gaîment causer dans la maison
Où fut servi, sans pompe, un souper confortable.
Le bon père Félix, debout près de la table,
Hautement récita le Benedicite.
Et chacun dit : « Amen, » avec humilité.


Mais la nuit, cependant, sur cette fête heureuse
Etendit, tout à coup, son aile ténébreuse.
Tout était, au dehors, calme et tranquillité.
Donnant au paysage un éclat argenté
La lune se leva souriante et sans voile,
Et monta dans l’azur où se berçait l’étoile.
Sous le toit de Basile, aux vifs scintillements,
Dont la lampe irisait les grands appartements,
Les visages joyeux des honnêtes convives
Semblaient s’illuminer de lumières plus vives
Que les astres perdus dans l’or du firmament.
Le pâtre réjoui versait abondamment,
Dans les vases profonds, le doux jus de la vigne.
Aux siècles de la fable il aurait été digne
De verser le nectar à la table des dieux.
Après qu’il eut fini son souper copieux