Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/293

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au repos. Asselin entra dans sa chambre. Sa femme dormait. Du moins il la crut endormie. Le visage caché dans le duvet de son oreiller, elle songeait. Elle avait raison de songer. Elle était assaillie de mille pensées diverses, de mille craintes amères. L’assassinat de l’orphelin qui, tout à l’heure, lui semblait chose facile et simple, n’avait pas réussi : plus que cela, les meurtriers expiraient, probablement victime de leur propre malice. Ce tour imprévu du Destin, qui n’est pas souvent aveugle, la jetait dans un abattement profond. Il lui semblait maintenant que les soupçons les plus odieux allaient planer sur sa tête, comme une volée d’oiseaux de mauvais augure. Elle devinait bien qu’ils étaient ensevelis sous les décombres, car son frère ne revenait point. Elle cherchait à s’étourdir par la pensée que, vivants encore, ils pouvaient être tirés des débris de la cave et sauvés. Les voisins s’étaient informés du maître d’école, qu’ils ne voyaient pas chez son beau-frère. Madame Eusèbe avait expliqué l’absence de son frère par un mensonge fort bien paré des couleurs de la vérité. Cependant ce mensonge causait maintenant son désespoir, non pas parce qu’il