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les épis

C’est la beauté pourtant aux yeux de la tribu.
La laideur, c’est cet homme et livide et barbu
Qu’apporta dans ses flancs une grande pirogue.

— Moi, je sais composer une mortelle drogue,
J’en remplirai ma coupe et j’irai, sans trembler,
L’offrir aux hommes blancs qui sont venus troubler
Notre liberté chère et nos chères ivresses !
Chante l’Autmoin cruel, en nouant à ses tresses
Une plume d’aiglon qui tombait des vieux pins.

— Où donc est la promise ?… Et ses yeux sont-ils peints,
Dit-il encor ?… Ses yeux, son épaule, sa gorge ?
Le daim captif est là. C’est elle qui l’égorge.
Qu’elle frappe sans peur l’animal endormi,
Et sans peur ses enfants frapperont l’ennemi.

Irenna la Huronne, alerte, gorge nue,
S’approche du wigwam. Il est tard, et la nue
Redescend lentement dans l’air plein de frissons,
Elle se glisse seule à travers les buissons.
Ses soupirs, dirait-on, agitent les feuillages…
Son cou n’est pas orné de brillants coquillages…
Quelque chose pourtant flotte à son sein bronzé ;