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le retour


Elle lui répondit : « Le Seigneur me préserve
« De rester insensible à la voix du malheur !
« Assoyez-vous, monsieur, et que Dieu vous conserve !
« Qu’il vous donne la paix et calme ma douleur ! »

L’étranger près du feu vint s’asseoir sans attendre.
Une breloque d’or à son gilet pendait ;
Son œil, couleur du ciel, était brillant et tendre ;
Sa barbe à sa poitrine en ondes descendait.

— « Femme, votre douleur est-elle sans remède ?
« Votre cœur abattu ne peut-il espérer ?
« Au temps, vous le savez, toute amertume cède ;
« S’il n’emporte la peine il sait la tempérer.

— « Hélas ! reprit la femme, essuyant une larme,
« J’ai connu le bonheur et j’ai béni mon sort ;
« Mais pour moi, maintenant, le jour n’a plus de charme
Je n’aime plus la vie et pourtant crains la mort.

« Par mon travail constant j’éloigne la misère ;
« Et mon petit Ernest est si beau, si vermeil !
« Pauvre ange, il ne sait pas tous les pleurs que sa mère
« Verse pendant qu’il dort d’un paisible sommeil.