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GRAINS DE PHILOSOPHIE



LE VIEILLARD


Il chemine, rêveur, courbé sur un bâton,
Lui qu’on a vu jadis marcher d’un pas allègre ;
Il ne laisse tomber aucune parole aigre,
Et pourtant la vieillesse est pesante, dit-on.

Souvent pour nous parler il prend un humble ton.
Il montre avec orgueil, parfois, de son doigt maigre,
Dans l’ombre du passé, toute une vie intègre,
Et son nom a franchi la borne du canton.

Or, rien, lui semble-t-il, n’est changé que lui-même.
On rit comme autrefois, comme autrefois on aime ;
La jeunesse fleurit partout. Lui seul est vieux.

L’ombre autour de lui monte. Il hésite, il tâtonne.
Une larme descend de son grand œil atone,
Quand il songe qu’un jour il fit des envieux.