Page:LeMay - Les gouttelettes, sonnets, 1904.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
SONNETS RUSTIQUES



LE FOSSOYAGE


Jusque sous les chevrons les grains sont entassés,
Les rudes paysans se courbent sur la bêche,
Car ils ne chôment pas. Il faut qu’on se dépêche,
L’automne, les beaux jours sont si vite passés.

Et tous, poitrine à nu, jusqu’aux genoux chaussés,
Ceux-ci d’un front soumis, ceux-là d’un air revêche,
Pour voir sécher en mai la terre humide et fraîche,
Ils creusent, maintenant, rigoles et fossés.

Et dans un autre champ que la mort fertilise,
Un champ planté de croix, tout auprès de l’église,
Il est en même temps, un autre fossoyeur.

Fixant le sol bénit de ses regards funèbres,
Il creuse lentement ces chemins de ténèbres
Par où tous — eux et lui — s’en iront au Seigneur.