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PICOUNOC LE MAUDIT.

insensés qui me soupçonnent d’une action cruelle et lâche, moi qui fus toujours leur ami et leur défenseur ! La faim déchira ses entrailles et il devina les terribles souffrances qui l’attendaient. Déjà ses yeux étaient hagards, ses orbites, creuses et bistrées. Les muscles de ses membres ressemblaient à un réseau de cordes fines sous un tissu transparent. Il se leva. Il chancelait. Cela lui fit peur : Mon Dieu, dit-il, encore un jour et je ne me tiendrai plus debout. J’étais fort pourtant ! et je résistais à la fatigue !… Il n’avait ni mangé ni bu depuis plus de deux jours. Il portait sur lui des allumettes chimiques ; il fit du feu, sans savoir pourquoi, et se mit à regarder son étrange demeure. À la clarté des allumettes, les stalactites jetèrent mille étincelles. On eût dit des clochetons de diamant renversés : Mon sépulcre est beau, murmura-t-il… Tout-à-coup il crut entendre le bruit des avirons dans l’eau. Une angoisse serra son cœur : il avait peur de la déception. Il prêta l’oreille.

Tiremus canotum nostrum in grevam ! dit une voix.

— Ce qui veut dire : Débarquons ! ajouta une autre voix.