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PICOUNOC LE MAUDIT.

Lorsque tous les gages sont retirés, que celui-ci a cueilli des cerises — celui-la, mesuré du ruban — cet autre, fait trois pas d’amour, et cet autre encore, le pont de Paris, on change de jeu, jusqu’à ce qu’enfin le violonneux se décide à passer de l’arcanson sur le crin de son archet pour le rendre mordant, à tourner les clefs de son violon, pour mettre d’accord la chanterelle éveillée et la grosse corde grondeuse. Alors, aux premiers résonnements des cordes harmonieuses que touche de son doigt l’artiste improvisé qui veut s’assurer de la fidélité de l’instrument, les pieds froissent le plancher avec impatience, un murmure joyeux court dans la salle ; les uns se lèvent, comme mus par un ressort, et font, en cadence, les pas les plus difficiles ; les autres, sans bouger de place, battent d’avance la mesure avec le talon sonore de leurs bottes françaises. Rien de gai, rien d’entraînant comme la danse, mais la danse mesurée, rapide, animée de la gigue et du reel. Et puis, c’est un excellent exercice hygiénique. En ce temps-là, à la campagne, on ne connaissait ni le lancier, ni le quadrille, ni le caledonia. Aussi, l’on ne voyait dans la place que ceux qui savaient danser ; et les