Aller au contenu

Page:LeNormand - Autour de la maison, 1916.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
AUTOUR DE LA MAISON

mystérieux des tours de Barbe-bleue ! L’hiver, la noirceur vient encore plus vite. Et quand on tournait ce coin rond où tous les vents étaient peut-être des sorciers, on pensait, sans le vouloir, à des histoires de loup-garou, et l’on courait.

Au printemps, le coin rond redevenait ami et accueillant sous le ciel bleu, dans le voisinage de la fine rivière qui fleurissait ses rives. Qu’on le regardait avec joie, quand on s’asseyait en face, au bord de l’eau, sur un grand banc de bois, où « parrain St-Germain » nous taillait des sifflets de saule en nous racontant des histoires. Il était vieux comme le coin rond, ce père St-Germain, et il était son voisin. Il vivait ses beaux jours sur ce banc, et au temps des sifflets, on ne le quittait pas. Il nous en faisait des douzaines, sa vieille allumelle inlassable coupant et recoupant les branches tendres. Il ne se fatiguait pas, malgré les cris aigus et ininterrompus qu’on lui lançait dans les oreilles, tant que nos sifflets tenaient bon, tant qu’on ne fendait pas l’écorce fraîche par la pression de nos petits doigts violents. Alors, le bon vieux s’entendait supplier : « Fais-en encore un, parrain, je ne le casserai plus ! »

Il recommençait. Le coin rond nous regardait. Sa face fermée s’efforçait de sourire