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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/150

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LA PLUS BELLE

des sacrifices. Tous les sacrifices lui semblaient d’ailleurs mérités.

En se rendant chez Jean, elle s’arrêtait à l’église, faisait un chemin de croix, demandait à Dieu de bénir sa vie. Le soleil qui luisait dehors lorsqu’elle ressortait devenait pour elle une visible approbation du ciel. Elle marchait plus vite, respirait plus allègrement, toute à la beauté de son amour levant, n’imaginant pas un jour où l’habitude ternirait l’or de sa félicité, où le contentement deviendrait moins vif, la joie moins facile.


Ayant vu Jean une heure, Lucette descendait chez Claire. Ensemble elles iraient changer leurs livres à la bibliothèque Fraser. La nuit montait avec de gros nuages sombres sur un ciel où persistait une bande de lumière jaune. Lucette étrennait un manteau d’astrakan noir, au doux et soyeux col d’opossum, ce qui contribuait à son bonheur. Dans le gris de la fourrure, elle sentait ses joues rougies par l’air piquant. Ses yeux brillaient à l’ombre du chapeau de velours noir où fleurissaient deux roses.

Claire, la sachant ponctuelle, l’attendait toute prête ; elles s’élancèrent dans la rue d’un pas égal et rapide. De l’avenue Laval à la rue de l’Université, tout le long de la rue Sherbrooke où les beaux équipages défilaient, elles parlèrent sans