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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/152

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LA PLUS BELLE

sans doute un peu et pour les dédommager de ces arides devoirs, il leur offrait des cartes pour les soirées de l’Alliance Française. Elles étaient flattées et reconnaissantes. Soirées mi-mondaines, mi-littéraires dans la salle grise et blanche du Ritz ; regarder à droite, à gauche, devant, derrière ; être regardées aussi et, effarouchées et ricaneuses, se moquer des gens et parfois du conférencier.

Le vieux bibliothécaire constatait sans doute qu’elles vieillissaient. Lucette demandait du Taine, les lundis de Sainte Beuve, du Jules Lemaître. Dans leurs manchons alors grands comme des sacs, elles mirent chacune les livres choisis, et retournèrent rue Sainte-Catherine. Chez Birks, l’horloge marquait cinq heures. Les vitrines resplendissaient. Les mannequins copiaient la vie réelle, avec des sourires figés, des costumes de rue ou d’intérieur de grande élégance. De belles jeunes filles de cire représentaient des débutantes ; satin, fourrures blanches, paillettes d’or et d’argent. Un soupir de regret montait aux lèvres de Lucette. Ce luxe, le connaîtrait-elle jamais ? Sa joie de vivre méprisa vite cette impression passagère. En elle-même, ne possèdait-elle pas toutes les richesses, et tant d’idées, tant d’élan, tant d’ardeur !