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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/154

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LA PLUS BELLE

Là, elles s’installèrent à une des petites tables près du mur, et commandèrent ce qu’elles prétendaient aimer plus que tout au monde : des salades au homard en croûte et du café. Leurs manchons jetés sur une chaise, elles enlevèrent leurs manteaux, vérifièrent la position de leurs chapeaux, dirent presque ensemble en se regardant : « Je suis affreuse ». Puis elles examinèrent les gens qui entraient. À cette heure-là, elles auraient sûrement le plaisir de voir quelques célébrités : le beau professeur d’économie politique qu’elles avaient adoré en silence, à l’époque de leurs seize ans ; ce journaliste, dont les billets du soir au Devoir, les plongeaient dans une béate admiration. Et cet autre qu’elles trouvaient détestable et fat. Elles virent aussi beaucoup de gens, amis inconnus, dont elles connaissaient les visages entrevus régulièrement à l’Université, à Saint-Sulpice, à Notre-Dame, aux concerts.

Elles plaisantaient. L’effet du café se manifestait tout de suite. Excitées, elles riaient pour un rien. Et soudain elles aperçurent dans un coin Monique, en compagnie d’un jeune homme qu’elles n’avaient jamais vu.

Celle-ci, tout en enlevant ses gants, leur fit une grimace amicale. Ayant dégusté jusqu’au fond leur salade en croûte, elles allaient sortir.