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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/178

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LA PLUS BELLE

Peut-être pourrait-elle constater, plus tard, qu’elle ne multipliait pas en vain ses prières. Dieu lui épargnait le supplice d’aimer le malade autrement. Malgré elle, elle plaignait avec un peu de hauteur et de dédain les gens qui laissaient passer les droits de la sensualité avant les lois de la morale qu’elle pratiquait. Elle ne les comprenait pas, et restait pure, sans mérite, auraient affirmé les uns, par ignorance, auraient décrété les autres.

Mais si l’ignorance constituait une protection, mieux valait alors ignorance que connaissance et curiosité morbide.

En somme, ces cinq années n’ont pas beaucoup changé Lucette ; elle se croit seulement plus sage, parce qu’elle atteindra bientôt vingt-six ans. De loin, elle considère maintenant ses souvenirs avec complaisance et un peu d’émotion, de regret. Mais sa vie s’est remplie. Lucette a tissé autour d’elle tout un réseau de nouveaux liens.

Devenue accompagnatrice chez un professeur de chant réputé, elle prend part à une multitude de soirées, au programme musical de maintes conférences. Pour les répétitions, elle court la ville du matin au soir ; on la voit, réservée, d’une élégance sobre, un livre à la main, descendre du tramway. Elle ajoute à son travail un peu de vie mondaine. Souvent son nom, sa pho-