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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/180

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LA PLUS BELLE

Ils ne s’écrivent plus que très rarement. Les aveux en mots brûlants ont cessé. Jean regarde toujours avec la même tendresse contenue la jeunesse florissante de Lucette, mais sa timidité d’infirme l’empêche d’exprimer ce sentiment d’une violence tout intérieure. Lucette lui dit parfois : « Je vous aime bien ». Mais jamais plus, elle ne dit : « Je vous aime », tout court. Ce mot de plus indique une nuance, elle le sait. Qu’importe ? Elle a résolu, il y a cinq ans, d’aimer Jean et d’être la joie de sa longue souffrance. Elle continuera ce rôle. Qu’importe, se dit-elle encore, quand elle jette courageusement en elle la sonde, qu’importe si je ne ressens plus l’émotion des premiers mois ? Qu’importe, s’il faut à présent que j’arrive avec une provision de faits à lui raconter, si nos silences n’ont plus cette qualité du commencement délicieux de notre amour ? Dans la vie, n’est-ce pas toujours ainsi ? L’habitude, que disaient-ils sur l’habitude, les vers de Sully Prud’homme ? Autrefois, j’ai cru qu’ils mentiraient à mon sujet. Aujourd’hui, je le reconnais, l’habitude ne m’épargne pas plus qu’elle n’épargne les autres. Monique même ne dit plus de son mari : Mon admirable Maurice ! Monique ne pleure plus quand Maurice part pour voyage. Elle me téléphone et me dit gaiement :