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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/214

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

Elle avait délibérément choisi son sort ; elle repoussait avec une sourde angoisse l’idée que Jean pourrait cesser d’être son unique amour ; elle ne se résignait pas à cette tiédeur imperceptible et sournoise qui s’infiltrait entre eux. Au fond, se disait-elle, aller au théâtre avec Gaston ne diminue pas mon attachement qui reste intact, et intacte aussi, ma résolution de suivre jusqu’au bout la même route. Mais cette fièvre qui l’avait maintenue trépidante et heureuse au commencement, où s’en était-elle allée ? Elle s’affolait de n’en plus rien sentir. Le phénomène était-il inévitable ? Un sentiment pur comme le sien, né d’un tel désir de consolation, d’assistance, ne pouvait-il demeurer fort, entier, parfait ?

Le jeu des complexités sentimentales se poursuivait en elle. Comment s’avouer qu’elle attendait avec plus de trépidation une soirée au théâtre avec Gaston, qu’une après-midi dans le salon de Jean ? À ce dernier elle avait consacré ses lundis, ses jeudis ; une routine, une habitude. De l’autre côté s’offraient les ressources de l’imprévu magique, des soirées brillantes, des retours joyeux, avec la lune qui se penchait parfois sur la rue, au-dessus de la ligne brisée des toits et des cheminées.

Ces visites à Jean qui au début étaient une douce obligation, la tenaient maintenant pri-