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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/217

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CHOSE DU MONDE
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lui fallait tant de richesses à elle, pour être contente, alors que le malade ne possédait rien.

Mais la joie du voyage submergeait tout. Elle se trouvait égoïste et elle songeait à Nicole à jamais délivrée des complications sentimentales. Dans son cloître, entendait-elle les sifflets de train ? La voie du chemin de fer longeait les murs de son couvent, comme ceux du Carmel dont parle Huysmans dans la Cathédrale. Et justement cette voie conduisait au lac où Nicole avait vécu tant de beaux étés. Seulement, si Nicole se laissait attrister par la nostalgie, sans doute offrait-elle au ciel ce nouveau sacrifice, un peu plus dur que les autres, un peu plus pénible. Pauvre, pauvre chère sauvage Nicole, qui avait emporté une si large part du précieux passé.

Lucette philosophait avec sa tante. Des regrets, n’en souffrait-on pas toujours ? La vie n’était-elle pas ainsi ? Monique, mariée, en plein bonheur, ne venait-elle pas de lui dire au moment des adieux :

— Que tu es heureuse d’être libre comme l’air. Rien ne t’attache, songe donc ! Tu gardes ton insouciance intacte. Moi la mienne est morte à jamais à la naissance de mes enfants. Maintenant aucun voyage sans eux et sans mon mari ne représenterait la perfection. Et Percé avec les mioches, les biberons et les langes, merci !