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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/237

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CHOSE DU MONDE
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Sans lutter davantage, cachant son front, elle resta muette et ses larmes continuèrent à couler. Puis elle se dégagea.

— J’ai tant souffert, si vous saviez ; attendons.

Mais lui ne voulait plus attendre. Sa douce violence rencontrait au fond d’elle-même la complicité. Je vous aime, je vous aime, pensait-elle. Je ne veux pas que vous partiez, je ne veux pas que vous vous en alliez.

Elle sentait venue la minute décisive où elle pouvait tout perdre et elle ne le voulait pas. Son amour cria plus fort en elle-même que sa trahison, sa trahison d’un être incapable de se défendre, lui semblait-il, trahison pleine d’abjection, et de bassesse.

— Guy, vous ne m’aimerez plus si je vous dis tout, et pourtant il faut tout vous dire et vous me pardonnerez peut-être.

Et elle raconta : ses dix-huit ans, son amour de l’amour, son enthousiasme pour les premières lettres du malade. Son ardeur, puis son recul instinctif ensuite devant le pauvre infirme qu’elle avait imaginé pareil à un héros de roman ; et ce recul transformé par sa volonté en un sentiment très tendre, chargé de pitié, du désir de donner le bonheur, de jouer un rôle héroïque, de remplir un destin d’une noblesse rare.