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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/238

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

Elle raconta son tourment de constater depuis trois ans que son sentiment s’était vidé de sa joie, qu’il lui pesait comme une chaîne, alors qu’elle s’était consacrée à la fidélité. Le pauvre Jean, que deviendrait-il ? Elle revoyait le malade dans sa chaise d’infirme, les longues mains blanches et maigres, les yeux si tristes et si doux.

Guy eut tout de suite la tentation de blâmer Jean.

— Il n’aurait pas dû accepter ce dévouement. Vous étiez ; trop jeune. Une situation anormale comme celle-ci ne peut pas durer.

Elle confessa :

— Je déclarais tous les jours que je ne voulais épouser personne, que je me ferais une carrière. Une vie noble d’un tel dévouement, unique par sa différence avec les existences ordinaires et méritoire dans le sens chrétien me semblait la beauté suprême. Parfois je me sentais exaltée par le sacrifice ; il donnerait à notre amour plus d’intensité, plus de grandeur. Mais j’ai lamentablement échoué. Je n’étais pas assez forte.

— Vous n’aviez ; qu’une bonne petite âme de jeune fille un peu chimérique. Comment auriez-vous pu vous attacher à jamais à une tâche surhumaine ?

— Jean souffrira. Causer de la souffrance à un être ordinaire, c’est déjà pénible, mais à un