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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/239

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CHOSE DU MONDE
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malade, Guy, je ne peux pas supporter cela. Nous parlons et je me dis : « S’il entendait notre conversation, s’il nous écoutait en ce moment ». La trahison, c’est cela, voyez-vous, je le trahis. Et je me dis encore : Je pensais que Jean était l’unique amour de ma vie, et maintenant, je ne l’aime plus ; et c’est vous que j’aime aujourd’hui ; et ce second amour sera-t-il bref comme l’autre ? Passera-t-il aussi ? Guy, pourquoi faut-il que je me demande si je cesserai un jour de vous aimer !

Ardente, émue, elle implorait un mot d’encouragement, d’espoir.

— Attendez un peu. Un événement surgira peut-être. Écoutez votre cœur, Lucette, il est sincère, il ne vous trompera pas. Jean mérite beaucoup de considération. Il est tellement à plaindre. Je ne voudrais pas non plus augmenter ses souffrances déjà grandes. Il ne faut pas piétiner sur le bonheur des autres pour arriver à son propre bonheur. Puis on apprend peu à peu dans la vie la faiblesse du cœur humain. Je vous enverrai un gros livre, Lucette : Guerre et Paix, de Tolstoï. Et dans ce roman, vous verrez la petite héroïne passant par les affres de trois amours successifs avant de devenir la charmante petite femme que vous deviendrez aussi. C’est cela, la vie. Avoir honte de changer, c’est avoir honte d’être humain.