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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/213

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TÊTES ET FIGURES

vivement à voix basse la charité. La dame tira sa bourse, puis, hésita, un instant, en regardant avec un intérêt marqué le paquet qui se dissimulait sous le châle.

— C’est un enfant que vous avez là, interrogea-t-elle d’une voix affectueuse ? Puis-je le voir ?

— Oui, madame, lui répondit-on, en écartant les plis du châle suffisamment pour découvrir la petite figure pâle du petiot, plus intéressant que jamais, profondément endormi qu’il était.

— J’ai perdu le mien il y a une semaine, fit tout simplement la dame, en regardant l’enfant. C’était tout ce que j’avais de plus cher au monde. Sa voix se fit tremblante. Elle ouvrit sa bourse et mit une demi-couronne dans la main de la pauvresse stupéfaite.

— Vous êtes plus heureuse que moi, continua-t-elle. Peut-être voudrez-vous prier pour moi ; car je me sens bien malheureuse.

Elle laissa retomber un voile de crêpe qui lui cacha toute la figure, s’inclina et s’éloigna sans bruit. La jeune fille la suivit du regard jusqu’au moment où elle disparut dans l’obscurité de la grande nef, puis se retourna distraitement du côté de l’autel.

— Prier pour elle, se mit-elle à penser. Moi ? Comme si je pouvais prier !

Et un sourire amer se dessina sur ses lèvres.