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Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/238

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TÊTES ET FIGURES

là, elle se laissa choir dans un coin obscur, tout près de l’aiguille de Cléopâtre, ce fier obélisque qui, impassible, semble contempler ironiquement les chutes des empires et bien d’autres chutes, en ayant l’air de dire : — « Passez, viles générations ! Moi, simple bloc de pierre sculpté, je vous survivrai longtemps » !

Pour la première fois, Lise trouva que le petit fardeau qu’elle portait lui pesait. Écartant les plis du châle, elle se mit à contempler le petiot avec tendresse ; le bébé dormait profondément ; un léger sourire éclairait sa figure bleuie, ses traits émaciés. Dans l’état d’épuisement complet où elle se trouvait elle-même, Lise s’appuya la tête sur la pierre froide en arrière d’elle et s’endormit de ce sommeil de plomb, invincible, qui suit les grandes prostrations physiques.

Grave et solennelle, la nuit obscure poursuivait son cours ; lorsque la vieille année agonisait, il n’y avait pas la moindre étoile au firmament. Parmi tous les passants qui réintégraient le logis, à la hâte, pas un ne vit la pauvrette épuisée dormant dans l’angle obscur.

Elle gisait là depuis quelque temps, sans avoir été dérangée. Soudain, une lumière aveuglante vint brutalement la frapper en pleine figure. Instantanément, elle fut sur les deux pieds, à moitié endormie, mais gardant toujours