Aller au contenu

Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
TÊTES ET FIGURES

Quelque temps après avoir franchi le domaine, la carriole arriva au sommet d’une côte, non loin d’une impasse menant à un endroit de la grève, où en été, les voitures traversent la rivière Chaudière à gué. Vigoureux, qu’une bonne course avait essoufflé, s’arrêta de lui-même en face d’une vieille masure habitée par un irlandais du nom de Polly Murphy, et où l’administration militaire du Canada tenait un poste de soldats à l’intention des déserteurs de la garnison de Québec.

— Si nous arrêtions ici un instant, dit l’étranger qui, depuis qu’il voyageait sur le haut des coteaux, sentait le froid le gagner.

— Vous ferais ben comme vous voudrais, dit Charlot, mais j’vous garantis pas que c’est propr’ici ; c’est plein de soldats là-dedans. Si vous vouliez prendre mon conseil, on irait à l’autre maison en haut de la côte, chez la mère Adrien, comme on l’appelle par ici. C’est pas de ce que c’est ben riche, mais on y sera ben reçu, j’vous en réponds.

— Va pour la mère Adrien, répliqua l’étranger.

Et Vigoureux, aiguillonné d’un coup de fouet, descendit la côte à fond de train pour remonter au galop la pente opposée, comme, du reste, font les chevaux canadiens dans les parties montagneuses du pays.