Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/258

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beaucoup d’autorité, et leur défaut d’autorité réduit singulièrement leur prestige. Conscients de cette faiblesse, ils mettent le plus tôt possible leurs enfants au lycée, persuadés que les professeurs sauront imposer l’éducation qu’ils se sentent impuissants à donner. Mais le lycée constitue généralement un triste milieu d’éducation morale. Chez les élèves, la seule loi reconnue est celle du plus fort. Le surveillant représente pour eux un ennemi, qu’ils subissent en professant pour lui une antipathie d’ailleurs réciproque. Quant aux professeurs, ils considèrent que leur unique tâche est de faire leur cours sans avoir à s’occuper en aucune façon de moraliser les élèves. « Quand le professeur, écrit M. Fouillée, aura dit qu’il faut aimer sa famille et mourir pour sa patrie, il sera au bout de sa morale. »

Ce seront seulement les très zélés qui iront aussi loin. Les autres se montrent en général fort sceptiques pour tout ce qui concerne de telles notions, et gardent à leur égard un dédaigneux silence ou se bornent à d’ironiques allusions sur l’incertitude des idées morales. Très rompus aux méthodes de critique négative, ils possèdent trop peu d’expérience des hommes et des choses pour comprendre que ce n’est pas à l’enfant qu’il faut enseigner des incertitudes. Ils oublient souvent que leur rôle n’est pas de combattre, fût-ce simplement au moyen d’un méprisant silence, trop bien interprété par la jeunesse, les traditions et les sentiments qui sont la base même de la vie d’un peuple et sans lesquels il n’est pas de société possible. Avec une philosophie moins livresque, et par conséquent plus haute, ils verraient vite que si la morale, comme la science, comme toute