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Un certain nombre de professeurs de langues vivantes dédaignent leur besogne ; ils la considèrent comme au-dessous d’eux. Eux aussi sont des agrégés, eux aussi ont des prétentions, d’ailleurs légitimes, à être des littérateurs ou des savants, et ils dédaignent d’être des « maîtres de langues »[1].

L’esprit de ces professeurs est rompu ainsi à de certaines méthodes, en dehors desquelles ils ne comprennent pas leur rôle éducateur. J’ai entendu maintes fois des professeurs d’allemand ou d’anglais, qui se considéreraient comme déshonorés s’ils apprenaient à leurs élèves à parler et à écrire pour l’usage courant les langues qu’ils enseignent. « C’est aux maîtres de langues à faire cette besogne », et ils la méprisent.

L’idée fondamentale de ces professeurs, fort honorables et fort instruits d’ailleurs, c’est qu’ils doivent enseigner avant tout les auteurs classiques allemands ou anglais, c’est qu’ils doivent commenter Gœthe, Shakespeare, Schiller, comme on le fait dans les classes de lettres, pour les grands auteurs grecs ou latins, Homère, Sophocle, Cicéron[2].

Un préjugé assez répandu consiste à croire que les Français sont réfractaires à l’étude des langues alors qu’en réalité il n’y a pas d’êtres humains, comme je le disais plus haut, réfractaires à cette étude. La vérité c’est que ce sont les professeurs de l’Université qui demeurent totalement réfractaires à l’enseignement des langues. La preuve en est fournie par les résultats obtenus dans certains établissements congréganistes qui savent recruter des professeurs convenables. La chose n’est pas difficile, puisqu’il suffit d’individus parlant la langue qu’ils veulent enseigner et ignorant le plus possible les grammaires savantes, les auteurs obscurs, les critiques des érudits, etc. On n’aurait qu’à procéder comme les Pères Maristes dont il a été parlé devant la Commission d’enquête.

Les Pères Maristes, qui résident à côté de nous et nous font une concurrence sérieuse, ont chez eux des Frères anglais et

  1. Enquête, t. II, p. 681. — Poincaré, ancien ministre de l’Instruction publique.
  2. Enquête, t. I, p. 25. — Berthelot, ancien ministre de l’Instruction publique.