Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/95

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Rien n’est plus exact que cette dernière assertion. Notre Université ne fabrique que des rêveurs et des discoureurs, étrangers au monde où ils sont appelés à vivre.

Ils sont surtout incapables d’agir sans appui. Au foyer familial, c’est la main maternelle qui les guide. Au collège, c’est la main du pion. Jetés dans la vie, ils resteront désorientés tant que l’État ne les guidera pas à son tour.

La peur des responsabilités est signalée aujourd’hui comme une des caractéristiques du Français, en particulier de la bourgeoisie. Ce qui tendrait à prouver que le régime scolaire des collèges est bien pour quelque chose dans cette dangereuse maladie de la volonté.

… Où trouverait-on en France de ces enfants que j’ai vus à l’étranger ? L’un, âgé de dix ans, s’en allait seul de Londres à Saint-Pétersbourg ; — une escouade de huit ou dix collégiens étaient établis sous la tente dans une île du Saint-Laurent pendant la moitié de leurs vacances. Ils vivaient de pêche et de chasse. À vingt-cinq ans ces élèves pourront coloniser[1].

Certes non, on ne rencontre pas une telle valeur et de telles aptitudes chez nos pauvres lycéens tout effarés dès qu’ils n’ont plus un surveillant derrière eux, pour les faire marcher. Prendre un billet de chemin de fer tout seuls, pour rejoindre le domicile paternel pendant les vacances, constitue une difficulté à laquelle peu de familles osent les soumettre. Toujours ils porteront les traces de ce défaut d’éducation première.

Toutes les personnes qui ont voyagé ont pu vérifier la justesse du passage suivant emprunté au rapport de M. Raymond Poincaré, ancien ministre de l’Instruction publique, devant la Commission.

Je ne connais pas d’humiliation plus profonde que celle qu’on

  1. Enquête, t. II, p. 262. Pasquier, recteur à Angers.