Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Terrorisé par les clameurs des comités que dirigent d’obscurs sectaires, le député redoutant de ne pas paraître assez hardi, de ne pas flatter suffisamment les aspirations populaires, tâche de les dépasser. Pour être entendu, il crie plus fort que ses concurrents et, à force de se répéter, finit par croire à ses propres discours.

Cette cause n’est pas la seule de la mentalité que j’essaie d’expliquer. Une des principales est l’antique erreur latine que les sociétés peuvent se transformer par les lois. Tous les partis étant persuadés qu’avec de bons décrets il est facile de remédier aux maux dont chacun souffre, le député est harcelé par ce désir de "faire quelque chose". Les complications formidables des nécessités sociales lui échappant, ainsi qu’échappait jadis aux médecins la complication de l’organisme, il traite le corps social comme les docteurs traitaient alors les malades, saignant et purgeant au hasard. Eux aussi s’acharnaient à "faire quelque chose". Ils mirent plusieurs siècles pour découvrir que beaucoup mieux eût valu ne rien faire, laisser agir les lois naturelles, et éviter ainsi de mettre le doigt dans un mécanisme très compliqué et fort mal connu.

Aucune démonstration n’est arrivée à affaiblir en France cette conviction que l’État peut tout avec des lois. Elle est même devenue une sorte de dogme religieux intangible pour une foule de sectaires. Dans un lumineux article, monsieur J. Bourdeau analysait récemment le livre d’un professeur de l’Université, destiné à justifier le rôle providenciel de l’état. Suivant ce professeur, l’État doit se charger du bonheur du peuple, de son salut terrestre et exercer un rôle analogue à celui de l’Église au Moyen Age. Quels terribles éducateurs s’est donnés notre démocratie ! Combien funestes ces pédagogues vivant uniquement d’illusions loin des réalités qui conduisent le monde.

L’idée d’un Césarisme étatiste absolu pouvant tout se permettre est tellement ancrée, dans la cervelle des sectaires socialistes, que d’après eux l’État n’est tenu à respecter aucun engagement, aucun droit et n’a d’autre maître que son bon plaisir.

Cette prodigieuse mentalité n’avait été observée, jusqu’ici, que chez les rois nègres de l’Afrique. Ils respectaient, cependant, quelquefois leur parole. Pour les socialistes, au contraire, l’État n’est nullement obligé à en te-