Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/203

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uniquement, comme je le disais plus haut, des croyances religieuses. Monsieur Leroy-Beaulieu réprouve cette politique qu’il qualifie de politique d’abstention et ajoute que "le respect complet des coutumes, des traditions, des mœurs de ce que l’on a appelé la nationalité arabe exigerait que notre armée et nos colons quittassent l’Afrique."

Pourquoi le respect des mœurs et coutumes arabes entraînerait-il le départ obligatoire de notre armée et de nos colons ? L’auteur oublie totalement de nous le dire. Je crois qu’il aurait grand’peine à étayer son opinion d’aucune raison sérieuse. La politique défendue ici est celle adoptée à l’égard des musulmans par les Anglais aux Indes sans que ces derniers paraissent nullement disposés à abandonner leur immense empire.

Les mesures conseillées par monsieur Leroy-Beaulieu sont bien conformes à nos idées d’égalité universelle. Elles consistent dans "la fusion de l’élément indigène avec l’élément européen." Cette fusion est représentée comme "un état de choses où les deux populations d’origine différente seraient placées sous le même régime économique et social, obéissant aux mêmes lois générales et suivraient dans l’ordre de la production la même impulsion."

Le tableau apparaît séduisant sur le papier. C’est le rêve égalitaire de nos théoriciens de 93 et d’aujourd’hui. Il ferait un peu sourire le plus modeste employé du service civil des Indes. On peut être un savant remarquable sans soupçonner l’abîme qui sépare la pensée et les sentiments d’un Oriental de ceux d’un Occidental.

L’auteur prévoit bien quelques obstacles à sa politique de fusion, mais les surmonte aisément. D’abord il assure, toujours sans dire sur quelles observations s’appuie son assertion, que "les Kabyles ne diffèrent des Europeens que par un point, la religion." Quelle erreur ! On serait plus près de la vérité en disant qu’entre l’Européen civilisé et le Berbère actuel, la différence est aussi considérable qu’entre un Gaulois du temps de Brennus et un Parisien de nos jours.

Les Berbères, suivant monsieur Leroy-Beaulieu, étant identiques aux Européens, les Arabes, seuls, resteraient à franciser. La chose lui paraît fort simple : "Il faudrait, explique l’auteur, radicalement modifier le système de la tribu, de la propriété collective, de la famille polygame. Ces trois points obtenus, il ne resterait plus que des dé-