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AU PAYS DES PARDONS


« Faite avec les fleurs des champs, les simples fleurs ;
« En gouttes de rosée y brillront mes pleurs ».

Elle brille aussi, la triste rosée des larmes, dans les yeux des femmes qui sont là ; elle trace de larges sillons humides sur leurs joues hâlées, s’égoutte lentement dans les plis de leur petit châle noué en croix. Les hommes eux-mêmes sont émus : sans cesse ils s’essuient les paupières du revers de leurs grosses mains toutes tailladées et noires de goudron. Et, de minute en minute, le groupe des auditeurs grossit le pardon afflue vers le chanteur dont le buste ensoleillé domine la foule, la chemise ouverte, son poitrail nu hérissé de touffes de poils fauves. Le récitatif reprend, d’une allure dolente et comme alanguie :


S’est mise Corentine en chemin,
Sa baguette blanche à la main ;

Passe la mer, suit le chemin
Qui mène aux cieux, qui mène aux saints.

Et la voici déjà tout proche :
Du clocher on entend la cloche.