Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/18

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promettait au monde ce cerveau exceptionnel : elle s’en est allée en terre, avec lui, dans l’humble nécropole trégorroise où il dort le dernier somme, à côté de tant d’êtres chers, victimes de la même catastrophe, auxquels, par un raffinement sauvage de la fatalité, il dut survivre plusieurs semaines, comme pour épuiser, avant de les rejoindre, toutes les affres de leur perte.

Ce fut au cours de cette longue agonie, où l’admirable lucidité de sa pensée ne subit pas une éclipse, que, s’entretenant avec moi, stoïquement, de tout ce qu’il était condamné à laisser derrière lui d’incomplet ou d’inachevé, il me fit, entre autres recommandations, défense expresse de redonner ici non-seulement l’introduction que l’on sait, mais encore les notes et références qui sont accompagnées de ses initiales dans le volume primitif. « Tout cela, déclara-t-il, est du travail trop hâtivement fait ; je ne le signerais plus aujourd’hui : par égard pour ma mémoire scientifique j’entends que tu le supprimes. » Vainement je lui représentai ce qu’une pareille exigence avait de douloureux pour moi et de peu équitable envers lui-même. Il ne s’en voulut point départir... J’obéis donc à la volonté suprême de l’ami qui n’est plus. Mais j’en ai, je pense, assez dit, pour n’avoir pas besoin d’insister davantage sur l’amère impression de tristesse que j’éprouve à effacer de la couverture de ce livre le nom de Léon Marillier.