Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/78

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Plus on l’explore, plus on désespère d’en toucher le fond. Je l’ai trop pratiquée pour ne savoir pas à quel point elle est la terre de l’imprévu, indéfiniment féconde en surprises. Mais surtout je n’oublie pas que la légende est, chez ee peuple, à l’état de création continue. Au moment même qu’on la fixe sous une de ses formes, elle est en train de s’épanouir en des formes nouvelles. Chaque âge, chaque génération, chaque tempérament la retravaille et la repétrit, lui imprime un autre caractère en lui insufflant une autre âme. Vivante, elle évolue sans cesse, selon la loi de tout organisme vivant.

Car elles vivent, ces légendes, elles vivent dans le cœur des Bretons d’aujourd’hui presque aussi intensément qu’elles vécurent dans le cœur de leurs plus lointains ancêtres. N’est-ce pas Marinier qui, naguère, écrivait à ce propos[1] : « Les croyances qui ont donné naissance à ces récits, où les acteurs principaux sont les âmes des morts, sont des croyances encore actives et fécondes ?... » Hélas ! il ne pensait pas si bien dire, le malheureux ! Sans elles, sans leur tyrannique empire sur des esprits terrifiés, il est probable qu’il n’eût point péri, ni peut-être plus d’un de ceux qui le précédèrent dans le trépas. Lorsque, après l’engloutissement de la barque qui le portait, lui et

  1. La légende de la Mort en Basse-Bretagne, 1re édition, p. VII.