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Page:Le Conteur breton - 15 décembre 1866.pdf/6

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LE CONTEUR BRETON

Les témoins, gens connus, gens de cœur : Grippe-Soleil et Mascarille pour Scapin, Areas et Théramène pour Jean Farine.

O merveilleuse adresse de Jean Farine, coup double éton­nant ! Il ne blesse personne, il rétablit sa gloire chancelante, il restaure son honneur éclopé. Voilà de ces prouesses que ne faisaient point Bayard ni Corneille. Et Scapin, la Heur de la chevalerie, peut, sans se déjuger aucunem ent, lui d ire = Jean Farine, noble cœur ! je t’ai traité de sot et de bélître : si tu le prends à la lettre, lu me fais to rt ; ne crois pas que je manque d’estime p o u r toi !

On porte sur le terrain un honneu r à repriser, dit-on ; on se plante à vingt-cinq pas, on s’ajuste bien ou mal. Pan ! On revient su r ses jam bes avec un honneur tout neuf. On abîme un pauvre diable, on le pince, on le m ord, on le déchire jusq u’à l’obliger de faire p e u r ! Il a des transes te rribJes, il écrit son testament, il se voit déjà couché dans le cercueil, Pour rien au monde, onne v o udrait lui faire la moindre excuse ; mais lorsqu’enfin il a manifesté l’intention de risquer sa vie, on lui d it : Je n’avais pas d u to u t l’intention de vous offenser ; vous êtes galant homme, et vous mettez bien l’orthographe.

Et l’honneur est satisfait !

Il est avec l’f to nn e u r de9 acco m m o dem ents !

Encore que ces duels de gens de lettres se passent à peu p rès comme chez Barbin, et que peu de mauvais coups y soient donnés, sanf en de rares rencontres, p ar des m aladroits ou p a r des experts, il ne faut pas croire que nos héros y aillent sans réflexion, m ettant leur h o nneur à la lessive comme un linge qu’on a porté dans l’ard e u r du travail ou d u combat. Toute tache d’encre ne les trouve pas également susceptibles, et ils prennent fort différem ment l’éclaboussure, selon que l’un ou l’autre la fait.

Le fameux Mollassier, si pompeux, si pesant, si inculte, avait entrepris de me ré d u ire . 11 voulait toucher à des ques­ tions importantes qu’il ne connaissait pas, abroger certains laits de l’histoire, voire certains articles de foi, et que mon argum entation respectât la sienne, qui ne respectait ni l’E­ glise, ni les documents authentiques, ni le bon sens, ni la gram m aire. Nous ne pouvions nous entendre. Il me demanda mon âme e t m’olîrit sa vie. Je le p riai de considérer prem iè­ rem en t que je n’avais pas le d ro it de le ti’^ r ; secondement, que ce n’était pas mon in térêt. Mon intérêt, d’accord avec mon devoir, était au contraire de le conserver pour le siffler plus longtemps et faire e n t r e r a coups de sifflets, s’il était pos­ sible, la lumière dans son esprit. — Or, com ment vous sifflerais-je, Mollassier, si j’étais m ort ? et comment vous pourrais-je éclairer si je vous avais tué ? Il se trouvait sans syllogisme devant ce raisonnem ent si ju ste, et il s’emportait.

— Quoi ! vous n’êtes pas dévot, et vous vous emportez ! Il cria que je n’étais pas Français. Je lui prouvai, Vaugeias à la m ain, que j’étais plus Français que lui. Il ju r a q u’en vain j’abritais ma défaillance sous le manteau de la religion, q u’il sau rait bien enfin me tirer du sang. J’attendais, sifflant tou­ jo u rs ; et il ne venait pas.

Mais voilà que dans le fort de cette querelle et dans le feu de cette bravoure, il survint à Mollassier une querelle avec le jeune Poilanvent, rédacteur en chef du journal qui lui dis­ p u tait son public et ses annonces. I’oilauvcnt se voulait poser, m ordait comme un diable, disait à ce pauvre Mollassier toutes les pires injures. 11 le traitait de ladre, de couard, de vieux b ria-à-b rac empoisonné, d’homm e d’affaires, d’affidé aux heureux de ce monde, d’abuser du peuple, de jésuite. Oui ! il allait si loin, ce terrible jeune I’oilauvcnt. Et que lit Mol­ lassier ? Il ne bougea non plus q u’un moellon, se renferma dans sa dignité, cessa d’entendre, ne feignit m ê m e pas de vouloir exposer ses jou rs, — et continua de me dem ander raison.

Plus Poilauvent le daubait, plus Mollassier prétendait De sa folle vale ur e m b e llir sa gazelle.

Seulement, c’était à moi q u’il voulait tire r du sang, ou de ma main .qu’il voulait recevoir la m ort. Il ne tira de moi que de l’encre, et je persistai à lui laisser la vie. Comme il a depuis trouvé une bonne place, je pense q u’il est au ?si content que moi de cet arrangem ent. — L Veuillot.


GRAINS DE SEL

Deux étrangleurs de Londres sont condamnés à être pendus. L’un est Français, l’autre est Prussien. La fatale plate-forme se dresse à quelques mètres au-dessus de la Tamise.

Le Français passera le premier — un bénéfice de l’al­liance ! — Il tend le cou, on glisse le nœud, et deux secondes après, le voilà lancé dans l’espace. Mais, ô merveille ! la corde, de qualité mauvaise, se brise ; le bandit tombe à l’eau et prestement se sauve à la nage. Le Prussien suit son compagnon d’un œil tranquille. Puis se tournant vers l’exécuteur qui s’apprête à le saisir :

— Ayez bien soiu de prendre une corde solide cette fois !... Je ne sais pas nager.

Drôleries

militaires.

— Dialogue entre un sergent et un caporal.

Le sergent. — Caporal, il faut porter les hommes manquantz-à l’appel au rectum de votre rapport.

Le caporal. — Qu’est-ce que c’est que ça, le rectum, ser­gent ?

Le urgent. — Je tombe en putréfaction, que vous qui êtes gradé, vous ignorassiez que le rectum, c’est le derrière de la page qu’on est-z-en train d écrire.

Dans une commune voisine du Morvan, la dyssenterie ve­ nait de faire de cruels ravages.

Quand le mal eut cessé, le fossoyeur de la paroisse s’em­ pressa d’aller trouver le médecin qui avait soigné les victimes de l’épidémie et de lui porter un magnifique dindon.

— Mais, mon ami, lui dit le docteur, je ne vous connais pas ; qui êtes-vous donc ?

— Monsieur, je suis le fossoyeur de la paroisse.

— Mais vous n’avez pas été malade, je ne vous ai pas donné mes soins ?

— Oh ! non, grâce à Dieu ! mais vous m’avez fait gagner assez d’argent cette année, ça vaut bien une petite honnêteté.


NOUVELLES

DE

BRETAGNE


Une grande foule de fidèles n’a pas cessé d’assister aux prières publiques ordonnées par Mgr l’Archevêque de Rennes à l’occasion des malheurs qui menacent l’Eglise. Par son recueillement et sa piété elle a témoigné, au tan t q u’il était en son pouvoir, combien elle compatissait aux douleurs du Sou­verain-Pontife et combien profond est son attachement pour le cliel vénéré des chrétiens. Monseigneur a fait entendre, à la Métropole, trois instructions pastorales qui ont du faire une vive im pression su r l’esprit de ses auditeurs.

— Lundi, un o u v rie r est tombé d-’un échafaudage dans la cour d’une maison de la ru e D uguesdin. L’é tat de ce m al­ heureux pere de famille inspire des craintes très-sérieuses.

— La F o i llretonne indique les m utations suivantes dans le clergé de Saint-Brieuc :

« M. Le Moal, directeur-ad jo int de l’établissem ent des Sourds-Muets de Saint-Brieuc, est nommé aum ônier des re li­ gieuses du Sacré-Cœur de Saint-Brieuc en rem placem ent de M. l’abbé Jules Collin, chanoine honoraire, démissionnaire.

— M. Boiirgneuf, vicaire de Moncontour, est nommé aum ônier