Page:Le Dantec — L'Athéisme.djvu/205

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passé est passé : le temps coule, disent les poètes, comme un fleuve qui ne peut remonter à sa source ; et par conséquent, il est impossible de faire une expérience pour savoir si un homme qui a pensé ou voulu une chose à un moment donné, aurait pu vouloir ou penser autre chose, à ce même moment. Les dualistes sont convaincus qu’il l’eût pu ; les monistes doivent croire le contraire ; aucune expérience ne peut trancher la question ; ce qui est passé est passé, et nous n’y pouvons rien. Cette affirmation me fait penser à la belle action d’un pauvre curé breton que j’ai connu dans mon enfance ; ce curé avait du génie sans s’en douter ; il avait inventé la psychothérapie et il a fait un miracle. Une pauvre femme très scrupuleuse avait, quelque dix ans auparavant, commis une vilaine action qu’elle continuait à se reprocher, au point que les macérations qu’elle s’imposait menaçaient d’altérer gravement sa santé ; le bon curé ne savait comment consoler sa pénitente ; un beau jour il eut une idée merveilleuse ; la vilaine action que se reprochait la malheureuse n’avait laissé nulle part aucune trace, si ce n’est que dans le cerveau malade de cette exaltée.

« Ma sœur, lui dit-il un jour, vos jeûnes et vos prières ont enfin gagné votre cause près du Tout-Puissant ; il a effacé du livre des jours la page que vous aviez salie ; ce que vous vous êtes tant reproché depuis dix ans n’a pas eu lieu. »