Page:Le Degré des âges du plaisir, suivi de L’École des filles, 1863, T2.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 10 —


dit cela ; mais ils ne sont pas si méchants que tu penses, mon enfant, et quant à ce qu’ils nous apprennent, je le sais depuis peu et à ma grande satisfaction, je t’assure, et crois-moi bien, tant que tu seras privée de leur compagnie tu ne jugeras jamais du plaisir véritable que comme un aveugle juge des couleurs, et tu seras toujours dans une ignorance qui ne te donnera aucune joie au monde. Car, dis-moi, dans la situation actuelle où tu te trouves, étant toujours avec ta mère, quel plaisir as-tu ?

— Quel plaisir ? mais j’en ai beaucoup, ma cousine, répondit Fanchette. D’abord, je mange quand j’ai faim, je bois quand j’ai soif, je dors quand j’ai sommeil, je ris, je chante, je danse, je saute, je vais me promener quelquefois à la campagne avec ma mère.

— Tout cela est bel et bon, fit Suzanne, mais tout le monde ne fait-il pas la même chose ?

— Comment donc, ma cousine, demanda encore Fanchette, y a-t-il donc quelque plaisir que tout le monde n’a pas ?

— Vraiment oui, petite sotte chérie, puisqu’il y en a un que tu n’as pas et qui vaut cent fois mieux que tous ceux que tu viens de me détailler.