dit cela ; mais ils ne sont pas si méchants que tu
penses, mon enfant, et quant à ce qu’ils nous
apprennent, je le sais depuis peu et à ma grande
satisfaction, je t’assure, et crois-moi bien, tant
que tu seras privée de leur compagnie tu ne jugeras
jamais du plaisir véritable que comme un
aveugle juge des couleurs, et tu seras toujours
dans une ignorance qui ne te donnera aucune
joie au monde. Car, dis-moi, dans la situation
actuelle où tu te trouves, étant toujours avec ta
mère, quel plaisir as-tu ?
— Quel plaisir ? mais j’en ai beaucoup, ma cousine, répondit Fanchette. D’abord, je mange quand j’ai faim, je bois quand j’ai soif, je dors quand j’ai sommeil, je ris, je chante, je danse, je saute, je vais me promener quelquefois à la campagne avec ma mère.
— Tout cela est bel et bon, fit Suzanne, mais tout le monde ne fait-il pas la même chose ?
— Comment donc, ma cousine, demanda encore Fanchette, y a-t-il donc quelque plaisir que tout le monde n’a pas ?
— Vraiment oui, petite sotte chérie, puisqu’il y en a un que tu n’as pas et qui vaut cent fois mieux que tous ceux que tu viens de me détailler.