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Page:Le Disque vert, nord, tome 2, 1922 - 1924.djvu/828

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criant à sa mère que ses yeux la suggestionnaient, qu’elle lui faisait peur, voulait lui faire du mal, ajoutant qu’elle entravait sa vie, ne voulant plus demeurer sous son toit, que ses sœurs étaient mariées et qu’elle était prisonnière, mais, qu’aimant un jeune homme, elle voulait partir, etc., etc. Cependant qu’habillée en hâte, elle s’enfuyait en sautant par la fenêtre du rez-de-chaussée, prenait le dernier métro et courait chez sa sœur à qui elle exprimait la terreur qu’elle avait de sa mère.

Le lendemain, en apprenant qu’elle devait retourner chez sa mère, elle eut un mouvement de recul, se laissa conduire cependant, mais à peine arrivée, s’enfuit de nouveau, et recueillie au commissariat déclara que sa mère avait voulu l’empoisonner, qu’elle avait le même regard que Loulou.

Elle refusa de voir sa sœur de vingt-huit ans, accueillit mieux son autre sœur de trente-deux ans et c’est dans ces conditions que nous la vîmes, dans un état de demi-rêverie, distraite, ravie au monde extérieur, fournissant des réponses incohérentes et souvent contradictoires, difficile à interroger, désorientée, riant et pleurant par intervalles sans motif apparent, passant d’un instant à l’autre de la pâleur à la rougeur, consciente par moment d’être souffrante. Puis elle se mit à nous dire que sa mère et Loulou la suggestionnaient, ainsi que son patron, que Loulou avait dû agir sur elle pour lui faire détester sa mère : il ne cherchait que l’argent près des femmes ; il s’était moqué d’elle, il lui faisait sentir toutes ses pensées.