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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/124

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

son corps sur le chemin de halage du grand fleuve affairé, tirant comme les autres sa barge pleine. Et puis, à l’heure du plaisir, se glisser, en souliers de satin, sur la mosaïque barbare de la rue.

En s’attardant au lit le matin, elle se surprenait à regretter de n’avoir point à se lever, d’un élan brusque, comme jadis. Ah ! la marche vigoureuse dans le froid dont le corps brisait le mince écran de cristal, le visage offert aux flocons de neige, le bouillon­nement du rêve intérieur qui s’apaise sou­dain, à l’arrivée devant le haut bâtiment trépidant de la rotation des presses, et qui se présentait si inopinément devant les yeux qu’on avait l’impression que c’était lui qui se jetait sur vous, comme une automobile, par exemple, qu’on n’avait pas vu venir, l’odeur de papier, le cliquetis des machines à écrire, les sonneries de téléphone.

Elle évoqua la rue nocturne brillamment éclairée qui ressemblait à un corridor tiède, avec les rampes lumineuses des théâtres et les odeurs chaudes des restaurants, elle évoqua le compagnon attentif à ses côtés.

Cependant, ce genre de vie une fois abandonné, on n’y revient plus. On ne remet pas une robe aux paillettes brillantes qu’on a laissé ternir dans l’armoire.

Restait le Landier. Restait Grand-Louis.