Aller au contenu

Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Notre aînée reste à l’étude pour le certificat l’année prochaine, et on n’aime pas trop la déranger quand même on a besoin d’elle. Pourtant elle est bien courageuse. Nous sommes tous en bonne santé, ma chère Demoiselle, mais beaucoup de gens n’ont pas la même chance, à cause de l’épidémie de grippe. Deux de la douane sont morts, enlevés en quelques jours, les deux jeunes que vous ne connaissez pas. Heureusement qu’ils n’étaient pas mariés. Allanic est parti aussi, le vieux qui avait cassé votre bois de corde l’hiver dernier. C’est surtout sur les hommes que ça tombe. On dit qu’à l’hôpital maritime de Lorient il y a des enterrements tous les jours, des jeunes gens de dix-huit à vingt ans, ça fait pitié. À Sarzeau et à Vannes, c’est la même chose. Le docteur de Pontbihan a dit à Madec que c’était comme une peste, après la guerre. Alors, ma chère Demoiselle, quand même nous avons hâte de vous voir, c’est bien mieux de rester encore à Paris. Un mauvais rhume est si vite attrapé. Le vent corne tellement sur la lande cet hiver. On s’oc­cupera de votre maison comme si vous étiez là. J’ouvre dès qu’il y a un moment de soleil. Yvonne vient avec moi quand elle n’est pas à l’école, mais elle a bien soin de laisser ses sabots à la porte. Grand-Louis a encore découché ces temps-ci. Je ne sais